Catégorie littérature française -Nouvelles-
Parution en février 2009

agnes_laroche « Alfred Jarry est mort ce matin.
Je le sais, c’est moi qui l’ai trouvé, le visage légèrement tourné vers la fenêtre pour accueillir son dernier jour. Il avait sur les traits ce masque flasque qui ne trompe pas, l’aveu d’un désintérêt définitif pour les choses et les êtres. »

Un recueil de nouvelles à quatre eric_rouzautmains, ce n’est pas habituel : ils ont travaillé ensemble, Agnès Laroche et
Éric Rouzaut, ce qui fait que l’on se saura pas, de ces deux auteurs, lequel a fait don de sa noirceur et lequel de son inventivité…

Courtes ou longues, ces nouvelles se placent dans la mécanique des chutes, fortes ou inattendues. Si le ressort est classique, les thèmes abordés le sont moins.

Voulez-vous sonder les pensées amoureuses d’une araignée ? Un pari où l’on gagne la mort, ça vous tente ? Lorsqu’on a perdu ses deux mains, une greffe est-elle forcément bénéfique …?

Les personnages de Mal assise vacillent, comme indiqué par le titre. Ils tomberont, d’un côté ou de l’autre du  fil sur lequel ils avancent. Ils sont vus au moment du déséquilibre, et leur position instable laisse présager que le point d’arrivée n’aura rien à voir avec le point de départ. Pendant ce trajet du point A au point inconnu, on sera « sonné » à plusieurs reprises.

La fuite des corps est la nouvelle qui ouvre ce recueil.
Suspense, enquête et déductions débouchent sur une émotion intense (et impossible de la voir venir), dans « cette région de moyenne montagne propice à l’élevage des moutons et à la dissimulation des corps ».

Yvette, dans Un bon petit repas, prépare une jolie table pour André, son mari. Dommage que sa mémoire lui joue des tours. Si elle savait où se trouve André, et dans quel état, et par la faute de qui…

Sonia aussi va préparer un bon repas pour son mari Philippe, dans Ne t’avise pas de recommencer. C’est qu’elle doit s’excuser pour son attitude…

Et que dire de cet homme qui assiste à un Meurtre dans le rétroviseur ? Trouvera-t-il du secours ?

En dire plus serait détricoter l’ouvrage d’Agnès Laroche et d’Éric Rouzaut. Raconter une nouvelle à chute, c’est la déflorer…

D’autres ressorts se cachent sous celui de la surprise. Le rire dans Arachno-follie’s, l’effroi dans La chasse à la licorne. Et dans Mademoiselle ?, de la tristesse :

« Finalement, elle n’est pas morte. Alors il va bien falloir se lever, faire quelques pas et décider. C’est ça la vie, peut-être. Se lever, faire quelques pas et décider. Seule. Tout décider seule, depuis février. En parler, ou pas. Accuser, ou pas. Demander de l’aide, ou pas. À chaque fois elle a choisi « ou pas ». Et là encore, choisir. S’en séparer, ou pas. »
Certaines nouvelles m’ont laissée sceptique : celle de Monsieur N’Bangué par exemple, ou Nous sommes les derniers… L’alchimie ne se fait pas à coup sûr.

Dix minutes par chambre
est la dernière de ces histoires.
Sans doute la plus émouvante, la plus sobre, la plus terrible, car personne ne peut apporter une quelconque consolation à celui qui raconte. Il est seul, à la fin de sa journée de travail :

couv_malassise« J’ouvre la portière, je m’assois, j’enfonce la clé dans le contact et parfois je pleure doucement, comme ce soir, parce qu’Alfred Jarry est mort ce matin »

Mal assise d’Agnès Laroche et Éric Rouzaut
Aux éditions la Quadrature

Une réponse "

  1. Salhi Samira dit :

    Après avoir abandonné la beauté des choses, on lègue comme immense richesse ,la beauté des mots!Aussi ,son passage sur terre , n’a pas été vain….!

    On peut aussi garder la beauté des choses sous le coude, histoire d’avoir de beaux mots à mettre desssus ! 🙂

  2. « … ce masque flasque qui ne trompe pas, l’aveu d’un désintérêt définitif pour les choses et les êtres ».

    Cette invitation, que nous vous nous proposez, me semble une réelle invitation à lire ces nouvelles qui semblent nous mener tout droit à l’approfondissement des gens et des événements.

    Pierre R. Chantelois
    Montréal (Québec)

    Merci, Pierre, de votre passage toujours bienveillant et éclairé ! (mais non, je ne suis pas une fayotte, je constate) 🙂

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