Agata Tuszyńska« Je me souviens de l’attente. De toutes sortes d’attentes. Devant les salles d’opération, attentes lourdes comme des prières inexaucées, devant les cabinets médicaux, car il se peut que quelqu’un se trompe, avant l’ultime diagnostic, après l’ultime diagnostic, après le verdict, après la sentence. Pour savoir, pour consulter, pour perdre espoir et ne jamais le retrouver. […] Attente devant d’autres salles d’examen, avant les radiographies, les scanners, les tomographies, sur un lit, sur un chariot, sur un brancard. Attente. »

Au moment où elle assure la promotion de son roman Une histoire familiale de la peur, Agata Tuszyńska apprend que son mari, Henryk Dasko est porteur d’un « Glioblastome multiforme, la plus féroce des tumeurs au cerveau ».

Exercices de la perte, sous forme de journal chronologique, rend compte de cette dévastation. C’est l’avancée de la maladie, à la fois pour l’homme qu’elle aime et pour celle qui veut se situer au plus près, ne pas lâcher, ne pas perdre, ne pas capituler.

« Je n’ai pas entendu ce qu’ils disaient. Bien que nous écoutions tous les deux. Cela s’écoulait à travers nous sans s’y arrêter vraiment, emporté par un espoir constamment restauré. Ça ne peut pas finir ainsi, notre amour terrassera cette maladie. Nous vivrons. Nous vivrons.
Nous vivrons. Nous vivrons. »

La maladie hiérarchise à sa façon l’approche des vivants et des événements. À l’aune de la mort, de la perte, du désespoir infini que cette épreuve inflige, le regard d’Agata Tuszyńska vient capter l’essence de l’autre, des autres, telle la figure de Madame Jadzia qui vient apporter son aide au couple :

« Madame Jadzia parle aux carottes, apprivoise les angles, balaie la tristesse. Elle coud des châles avec les toiles d’araignées. Elle est capable de remédier à tout, elle connait les secrets des taches, des jambes enflées, de la mauvaise énergie. Elle presse le jus du chou, émince le gingembre en pétales de rose, habille les tartes comme des mariées. Elle sait désenvoûter les miroirs et rallumer les ampoules. »

La lecture d’Exercices de la perte est à la fois éprouvante (dramatique et déchirante) et magnifique. Il ne s’agit pas là d’un simple travail de deuil à but thérapeutique, mais du regard d’un écrivain sur ce vertige devant la mort si proche, le regard de celle qui sait la force de l’écriture, et veut invoquer son pouvoir :

Exercices de la perte d’Agata Tuszyńska, aux éditions Grasset« Confusion et impuissance des mots dès lors que c’était arrivé. Grandes lamentations. Et pour finir, l’ancienne croyance (la certitude) que les mots nous sauvent, que nous reviendrons à nous-mêmes par les mots comme par des chemins, des escaliers, pas à pas. Par les mots, sans lesquels aucun de nous n’est lui-même. Par les mots de consolation, de désespoir, par les mots comme par des rayons de lumière. En nous-mêmes. »

Exercices de la perte d’Agata Tuszyńska
Traduit du polonais par Jean-Yves Erhel
Aux éditions Grasset
Catégorie Littérature étrangère
Parution en octobre 2009

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Une réponse "

  1. cathulu dit :

    Et un deuxième noté! je vais hésiter à venir te voir!:)
    La perte étant au coeur de mes préoccupations actuelles, je ne peux que craquer. En outre ce sera une occasion de découvrir une auteur polonaise.

    Mais attention, c’est un exercice fort, très émouvant, secouant. L’auteure a les épaules assez forte pour s’y coller, mais quelquefois, je n’avais pas les épaules pour la lire. Je devais fragmenter, parce que trop douloureux. En fait, ça nous retourne tous devant nos pertes, nos deuils, nos souffrances. Il y a des moments plus faciles que d’autres pour lire ça…

  2. de vilaine dit :

    qu’est-ce que c’est que ce charabia? Ces « citations » dans un sabir de carnaval??? Scandaleux!!!!!!

    Saine colère.
    (mais à propos de quoi au fait ?)

  3. Gillyboeuf Thierry dit :

    Bonsoir, je cherche à joindre Jean-Yves Erhel au sujet de Virgil Gheorghiu. Merci.

    • erhel dit :

      Gillyboeuf Thierry peut toujours joindre Jan-Yves Erhel en adressant son courrier aux éditions Grasset, rue des Saints-Pères à Paris

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